lundi 4 janvier 2010
Julien Dray explique
mercredi 9 septembre 2009
Twitter : une révolution politique ?
http://www.le-tigre.net/
Le lien de l'article
http://www.le-tigre.net/IMG/pdf/TM_22083_aUewOA.pdf
Le 9 juin à 3h21, Nathalie Kosciusko-Morizet, la secrétaire d’État au numérique, nous dit qu’elle Trouve qu’il n’y a vraiment plus de saison. Un effet du changement climatique?
— Le 17 juin à 8h45, Nathalie Kosciusko-Morizet nous dit qu’elle Cherche un site sympa sur les écomamans. Je n’en trouve pas en français. Vous en connaissez?
— Le 25 juin à 8h38, Nathalie Kosciusko-Morizet nous prévient: Attends les vacances pour éplucher les sites d’écomamans. Merci pour vos bons plans.
— Le 11 juillet à 0h12, Nathalie Kosciusko-Morizet nous informe La scène du concert
U2 au stade de France est juste incroyable. C’est une pieuvre géante vert anis!
— Le 14 juillet à 14h45, Nathalie Kosciusko-Morizet poste une photo des hélicoptères du
défilé des Champs-Élysées en ajoutant Je peux pas twitter la musique mais c’est Apocalypse Now.
— Le 15 juillet à 14h09, Nathalie Kosciusko-Morizet répond à Guillaume Oui c’est vrai je zozote un peu mais c’est pas sympa de le faire remarquer.
— Le même jour à 14h11, Nathalie Kosciusko- Morizet remercie L. de Bailliencourt pour les adresses de tire-lait sans bisphénol A je désespérais d’en trouver.
— Le 21 juillet à 3h27, Nathalie Kosciusko-Morizet adresse à Pierre-Yves Renard ses félicitations à tous les deux et bienvenue au petit.
— Le 21 juillet à 4h41, Nathalie Kosciusko-Morizet affirme Je crois à fond au télétravail.
Surtout en formule mixte (semaine partagée).
— Le 23 juillet à 23h24, Nathalie Kosciusko-Morizet nous précise Pas encore en vacances non mais cela devrait pas tarder trop...
— Le 27 juillet à 14h01, Nathalie Kosciusko-Morizet indique Je serai à Sainte-Mère-Église, et le 29 juillet à 8h28 Nathalie Kosciusko-Morizet nous prévient Dans le train corail
Paris-Carentan pour des vacances dans le Cotentin...
— Le 2 août à 12h51, Nathalie Kosciusko-Morizet nous annonce À la brocante de Barfleur-en-Cotentin. Suis sûre d’être la seule à en parler sur Twitter et Facebook. — Le même jour
à 19h35, à lelapin qui, commentant une photo de Barfleur, avait noté Fait apparemment pas bien beau elle répond Mais si il fait toujours beau. Relisez Astérix et les Bretons. Le Cotentin c’est pareil même quand il pleut c’est juste vivifiant!
— Le 4 août à 14h56, Nathalie Kosciusko-Morizet a trouvé un site plutôt sympa http://www.etsy. com La catégorie vintage, à voir!, le site se trouvant être de la vente d’objets faits à la main.
— Le 5 août à 8h55, Nathalie Kosciusko-Morizet nous envoie une photo d’Utah Beach.
— Le même jour à 11h53, Nathalie Kosciusko- Morizet nous précise L’eau est à 19 toute l’année.
C’est thermostaté par le Gulf Stream donc pas de mauvaise surprise!
— Le 7 août à 7h51, Nathalie Kosciusko-Morizet nous poste une photo d’Ânes en causerie dans le marais de Banneville derrière Utah Beach, et cinq minutes plus tard elle traduit en anglais Yes donkeys in Normandy.
vendredi 25 avril 2008
Les discours politiques de T. Sankara
Suite à la lecture hasardeuse de l’article de Mikaël Faujour intitulé " La langue dévastée des grands médias " et la commémoration du 20ème anniversaire de l’assassinat de Thomas Sankara, le choix de mon corpus se dirigea vers les discours politiques de cet emblématique président burkinabé.
Les discours médiatiques autours de cet homme étant inexistants pour plusieurs raisons (archives locales introuvables, informations non relayées par la presse étrangère, un fonctionnement du " marché officiel " de la parole politique...) , je me suis tourné vers ses discours politiques. La novlangue, l’hexagonal, la langue de bois ou plus maladroitement (sur le plan lexicale) appelée le politiquement correct; est pendant cette période utilisé allègrement par les chefs d’Etat africains. Après l’indépendance des pays de l’Afrique de l’Ouest, c’est la période de la françafrique, avec les réseaux Focard pendant les années 60 70 où une novlangue paternaliste envers la France est commune à la plupart des discours des chefs d’Etat de cette région. Il n’est pas sans compter sur un charismatique président révolutionnaire, Thomas Sankara.
" Sankara ", voilà un nom qui résonne sans trouver d’écho en France encore aujourd’hui. Il est largement méconnu hors du continent noir mais en Afrique il est considéré comme une figure de proue plus contemporaine du panafricanisme et du tiers-mondisme. Il fut influencé par Patrice Lumumba, Kwame Nkrumah, Sékou Touré, George Padmore, Amílcar Lopes Cabral.
Il fut président du Burkina Faso (ex Haute Volta) de 1983 à 1987. Il prit le pouvoir par un coup d’Etat, le 4 août 1983, en tant que chef de file des jeunes officiers. Il entama une politique révolutionnaire. Son pays prit alors le chemin d’une nette rupture avec son passé politique.
" La révolution s’entend pour lui comme l’amélioration concrète des conditions de vie de la population. C’est la rupture dans tous les domaines : transformation de l’administration ; redistribution des richesses ; libération de la femme ; responsabilisation et mobilisation de la jeunesse ; mise à l’écart de la chefferie traditionnelle, jugée responsable du retard des campagnes ; tentative de faire des paysans une classe sociale révolutionnaire ; réforme de l’armée pour la mettre au service du peuple en lui assignant aussi des tâches de production ; décentralisation et recherche d’une démocratie directe à travers les comités de défense de la révolution (CDR) chargés de la mettre en oeuvre localement ; lutte sans merci contre la corruption ; etc. ".
Sankara, par son charisme incontestable, son intelligence, son aisance à s’exprimer sur tout les sujets, sa facilité à inspirer la sympathie et à utiliser les médias; est à l’époque un président d’un type nouveau. Sa lutte populaire contre le néocolonialiste marque une rupture vis à vis des autres présidents d’Afrique de l’Ouest, plus dociles face à la France. Sankara demeure dans bien des mémoires africaines. Il est faux de l’appeler le " Che africain ", car il n’a pas son semblable mais son action, sa personnalité, sa politique le rapproche d’Ernesto Guevara. Au lendemain de la commémoration du 20ème anniversaire de son assassinat, un mythe est entrain de se créer. Un symposium international Thomas Sankara sur le thème : " Osez Inventer l’avenir " s’est tenu à Ouagadougou au Burkina Faso, les 11, 13, 14 et 15 octobre. La conceptualisation du Sankarisme est en marche. Celle ci passe inexorablement par ces discours. Ces discours sont la clef de voute de la construction du mythe. Son héritage émerge par ses discours parce que « l’action politique et le discours politique sont indissolublement liés, ce qui justifie du même coup l’étude du politique par son discours «.
L’éventail du corpus permet de bien distinguer les différentes notions étudiées à des périodes différentes. Les contextes dans lesquels sont énoncés ses discours sont très différends. Dans l’ordre chronologique, le premier texte s’intitule, Qui sont les ennemis du peuple ?, prononcé le 26 mars 1983 lors d’un meeting à Ouagadougou et publié dans le journal Carrefour africain le 1er avril 1983. Sankara est alors Premier ministre du Conseil du salut du peuple (CSP). Le président de la Haute Volta est Jean Baptiste Ouédraogo. Le deuxième texte est une retranscription d’un enregistrement radiophonique à la suite du coup d’Etat qui fait de Sankara, le nouveau président de la Haute Volta, le 4 août 1983 à 10 heures à Ouagadougou. Le texte suivant, Notre maison blanche se trouve dans le Harlem noir, est plus connus que les autres. Le 3 octobre 1984, après avoir renommée la Haute Volta en Burkina Faso (pays des hommes intègres), Sankara, lors une tournée internationale, prononce ce discours devant 5OO personnes à l’école Harriet Tubman se situant dans le quartier newyorkais d’Harlem. Le discours du 11 septembre 1985 est prononcé lors d’un meeting réunissant les pays d’Afrique de l’Ouest, à Yamoussoukro, la capitale politique et administrative de la Côte d’Ivoire. Il a été publié le 13 septembre dans le journal burkinabé Sidwaya. Il s’intitule La Révolution burkinabé est au service des autres peuples. Le dernier, Un front uni contre la dette, est le plus important. Lors d’une conférence de l’OUA (organisation de l’Union Africaine) à Addis Abéma en Ethiopie, le 29 juillet 1987 (trois mois avant sa mort), Sankara prend la parole de façon peu " conventionnelle " devant les chefs d’Etat africain sur le sujet de la dette.
Dans le cadre du TD d’analyse des discours, notre étude se distinguera en trois parties.
Tout d’abord l’ethos qui est chez Sankara l’un des atouts indiscutable. Nous verrons que suivant le contexte du discours dans lequel il se trouve, il sait redorer un masque différend. Mais le masque n’est pas nécessairement ce qui cache la réalité. « Tantôt il occulte, tantôt il simule «. Les figures de style seront étudiées parce que dans une rupture de la novlangue une certaine rhétorique est indispensable. Thomas Sankara en homme intelligent a bien conscience que l’art de bien parler est une des conditions pour installer une certaine praxéologie, un agir sur l’autre. C’est là où résulte tout l’art discursif de Thomas Sankara. Ce grand orateur articule ses discours de façon à gérer les passions collectives, à les contrôler pour pouvoir s’appuyer sur elle. L’enjeu de cette analyse est de montrer quels moyens sont mis en place pour créer cette rupture avec la novlangue franco-africaine. Sur quels moyens, règles, stratégies Thomas Sankara s’appuyent-il pour faire passer son message, ses idéologie, ses convictions ?
L’ethos préalable de Thomas Sankara est celle d’un jeune militaire. Elle réside dans ce que connotent ces deux termes.
Tout d’abord le militaire: Il est rude strict, brut. Il est instruit mais dans un domaine stratégique. C’est une instruction dont l’élite politique s’esclaffe souvent à tort et qu’il dénigre. Dans la quête du pouvoir, cette même stratégie reste un atout indimentionable évoluant dans une atmosphère machiavélique. Comme tout militaire qui se respecte, il est patriotique. Il sert sa nation. Il est dévolu à elle. C’est souvent un patriotisme qui se trouve proche du nationalisme, la frontière entre les deux restent souvent floue pour eux même et pour les personnes extérieures au corps militaire. Le militaire a aussi un goût des armes douteux. Il fait preuve d’un militarisme effronté dans la vie sociale et dans la vie politique. Les personnes armées gouvernent, décident, dictent... se dirigeant vers un extrême, caporalisme, déjà en place à l’époque dans d’autre pays africain.
Le fait que Thomas Sankara est pris le pouvoir par les armes inquiète un grand nombre de personnes. Un coup d’Etat n’est pas démocratique.
Le militaire a une vision de la société à laquelle il n’acquiert peu d’importance. Il évolue à l’extérieur ne prenant place dans celle-ci mais se considère plus comme un électron libre au dessus d’elle. Il la protège. Thomas Sankara est surtout un jeune officier. Il fut un très jeune premier ministre où généralement ce poste est confié à des personnes d’expérience.
Sa jeunesse fait partie de son ethos prédiscurssif. Il est considéré comme fougueux. Il a les dents longues et aiguisées. Il est plein d’enthousiasme, de projets nouveaux. Derrière sa retenue militaire il est gracieux, généreux et plein d’humour.
C’est un séisme dans la photothèque politique des années 80. C’est un atout pour le peuple mais ses réfractaires n’hésitent pas de le qualifier de peu sérieux, d’inexpérimenté, d’utopiste et d’incompétent. Sa jeunesse et le militaire qu’il est viennent en quelque sorte s’annuler. Les atouts de l’un viennent renforcer les défaillances de l’autre et vis et versa.
Une autre donnée très forte joue un rôle extrêmement important dans son ethos préalable c’est le terme " révolution ". Aux yeux de tout le monde c’est un révolutionnaire. C’est son ethos préalable le plus fort. La guerre froide est sur le déclin mais reste présente et la révolution va de paire avec le communiste. Il est estimé comme un tyrannique communiste en puissance doué d’un fieffé culte de la personnalité. Cet ethos préalable il va en jouer. Suivant le public auquel il s’adresse, il va revêtir certains masques. Lors de la déclaration du 4 août 1983, son discours est très bref, concis et clair. Il vient de prendre le pouvoir, libéré de prison par ses frères d’armes, il se déclare comme " patriotique ", " progressiste ", aspirant à " la démocratie " et à " la liberté ".
Il réaffirme son appartenance militaire unie, " les soldats sous officier et officier de toute arme ".Il se présente comme le garant de l’ " honneur ", la " dignité ", l’ " indépendance véritable " et le " progrès ". Il se veut respectueux des accords en place. Il réaffirme ses actes comme bénéficiaire au peuple burkinabé dans la " solidarité ", " paix " et " bonne amitié ".
Il crée toute l’ambiguïté de son personnage. Il se veut rassurant sur l’idéologie qu’il veut développer basée sur le progrès, la démocratie, la liberté et le bien du peuple. Il ne réutilise pas la vulgate communiste.
Mais d’un autre coté, il réaffirme fortement son masque de soldat révolutionnaire. Il utilise sans compter le mot " peuple " et le mot " révolution ". Il finit son discours par le dicton " La patrie ou la mort nous vaincrons " que l’on retrouvera dans tous ses discours. Ces maximes suivent toute la carrière d’un militaire et Thomas Sankara ne déroge pas à la règle même en accédant à la plus haute marche du pouvoir qui se veut plus civile.
En toute circonstance, il possède une arme sur lui et il est toujours habillé de son béret rouge. " Je suis militaire, je porte une arme. Mais Monsieur le président je voudrais que nous nous désarmions. Parce que moi je porte l’unique arme que je possède. D’autre ont camouflé les armes qu’ils ont.". Il réaffirme fortement ce qu’il est. Il ne cherche pas à infirmer certain aspect de son ethos préalable. Il fait preuve d’un ethos de caractère fort.
Lorsqu’il s’adresse à ses pairs lors du sommet des pays membres de l ‘OUA d’Abis Adéba, il sait très bien que la moitié des dirigeants africains sont contre lui, le dénigrent fortement. Ils ne prennent pas au sérieux son idéologie et le considèrent comme éléments détracteur de la politique africaine traditionnelle. Dans ce discours, il affirmé toute sa jeunesse. Il est très poli, respectueux : " Monsieur le président, monsieur les chefs des délégations ". Au début, il semble même plutôt timide et gêné dans l’attitude. Cependant dans le discours, il fait preuve d’une aisance assez déconcertante. Il va droit au but avec une franchise qui n’est pas à l’ordre du jour d’habitude. La transgression de sujets tabous comme les absences trop souvent répétées de certains chefs d’Etat, ou le fait de dire que personne ne peut et ne veut payer la dette pourraient rendre mal à l’aise les " vieux " chefs d’Etat. Tout ce discours, il le construit justement sur l’humour qui est plutôt assez cynique, ironique.
Voici quelques exemples : " J’ai cru devoir vous imposer quelques minutes supplémentaires pour que nous parlions... ", " Comme nous par exemple ", " Des décisions qui ne veulent pas du tout être en rapport avec votre âge et vos cheveux blancs.", " Comme s’il y avait des hommes dont le baillement suffirait à créer le développement chez les autres. " " La dette ne peut être remboursée parce que d’abord si nous ne payons pas, nos bailleurs ne mourront pas de faim. ", " Ils ont joué, ils ont perdu, la vie continue ", " groupes des cents, que sais je encore? ", " Il faudrait qu’il y ait deux éditions de la Bible et deux éditions du Coran ", " Je ne serais pas là à la prochaine conférence ", " Je ne fais pas un défilé de mode ". En établissant le constat de sujet sérieux, il expose avec l’humour et une certaine insolence propre à son ethos préalable ses propres convictions. En jeune insolent qu’il est, il arrive à faire rire toute une assemblée de vieux dirigeants cyniques. La fin de son discours se termine par une standing ovation. C’est très rare dans ce genre de conférence. C’est anecdotique. Ce discours malgré tout le sérieux avait des allures de one man show. Il a réussi a amadouer le public par sa rupture avec la novlangue traditionnelle par l’humour et sa franchise.
Si lors de ce discours il était très sur de lui, ce n’est pas le cas dans son texte prononcé lors du Conseil de l’entente à Yamoussoukro. En période de crise, il lui faut jouer d’une certaine diplomatie qui vient infirmer son stéréotype de militaire s’en allant en guerre. Cette diplomatie passe par les mots. Il doit réaffirmer que sa révolution n’est pas dangereux pour ses pays voisins. Cette affirmation, il doit là montrer, la décortiquer plus qu’à l’accoutumer. « Ce soir nous avions juste à réaffirmer que nous sommes convaincus en permanence, nous avions à réaffirmer la mobilisation du peuple burkinabé, sa détermination. ". Il l’affirme lui même : " Il y a simplement à dire et à répéter ", " Bien entendu, il faut le répéter et insister... " ," Nous avions à dire et à redire ". Le discours de Yamoussoukro est un discours de justification. Il doit affirmer sa crédibilité aux yeux des chefs d’état voisins. Il tente d’affirmer son ethos de crédibilité. " L’ethos de crédibilité se construit entre identité sociale et identité discursive, entre ce que veut paraître le sujet et ce qu’il est dans son être psychologique et social. " Il mise tout ici sur son identité discursive. Il tente par son discours de non intentionnalité de rehausser son niveau de crédibilité. " ... C’est pourquoi nous ne devons cesser de voir chez les peuples qui nous entourent leurs qualités et leur aspirations légitimes à la paix une paix juste à la dignité et à une indépendance réelle. " Il justifie qu’il n’a aucune intention d’attaquer les pays voisins qui n’aspirent pas à la paix mais il faut que le " peuple " prennent ses " responsabilités " à faire la révolution. Il justifie la Révolution qui est fortement connoté négativement. Il garde un ethos de caractère fort pour faire passer son message.
Il affirme souvent son ethos d’autorité en dénonçant avant d’être dénoncer. Il prend une longueur d’avance en devinant les critiques, faisant preuve de symptômes de paranoïa avancée. Il aime aussi faire taire les rumeurs en les énonçant et les infirmant avec des exemples ou des généralités morales. " Nous savons que dans les officines impérialiste on essaiera de décortiquer les propos tenus ici. ", " On dit également du CSP que certains de ses éléments, comme le capitaine Sankara, sont allés en Lybie et en Corée du Nord et que cela est dangereux pour la Haute Volta. ", " Nos ennemis disent que le CSP a proclamé la liberté d’expression et de presse mais que le CSP commence à mettre un frein à cette liberté. ..." Il doit revêtir un autre masque en fonction de son public et du contexte dans lequel il prononce son discours.
Son ethos préalable est tantôt infirmer, tantot affirmer. Je le répète le masque n’est pas nécessairement ce qui cache la réalité. " Tantôt il occulte, tantôt il simule ". (Exemple le Masque de Zorro et le Masque de la Vertu).
Il est le résultat d’une stratégie. L’ethos est une stratégie du discours politique. L’habilité de Thomas Sankara est de s’effacer derrière une notion très forte le peuple. Il sait que le changement ne peut se faire derrière une personne jeune méconnue, dépourvu d’un ethos d’autorité préalable fort.
Malgré lui, il fait du populisme. C’est une vision personnelle et le but du dossier n’est pas de donner un avis politique mais il faut bien avoir conscience que ce populisme est certainement du à ses références communistes qu’il revendique peu. Il est surtout du au fait qu’il est conscient que la parole d’un seul homme n’a plus d’échos dans ce pays, dans ces discours de dictateur. La praxis passe par une conscience collective. Le " peuple " auquel il fait référence allègrement dans ces discours, est finalement un " idéal type " pour Thomas Sankara dont il se sert abusivement.
Son message passe par la volonté du peuple. Il se doit d’appâter, de flatter ses interlocuteurs. Différends procédés sont utilisés. Tout d’abord l’utilisation de vocabulaire péjoratif pour les " ennemis du peuple ". Par exemple dans le premier texte Qui sont les ennemis du peuple ?, Thomas Sankara utilise un vocabulaire très dévalorisant quand il parle des " ennemis du peuple ".
Tout ce qui tourne autours des " ennemis du peuple " est péjoratif.
" tremble, peur, détracteurs, tort, trompé, intoxication, intimidation, ennemis, démasquer, illicite, profitant, magouille, faux, fraude, corruption, eux seul, force de l’obscurité, apatrides, néo colonialiste, impérialiste, renié la patrie, confusion, mauvais élève, échec, égorger, écraser, sionisme, division, inquiétude, psychose, assassiné, soumettre, nuire, contre, pourris, exploitation éhontée, hommes malhonnêtes, mentir, intoxiquer collectivement, domestication de la diplomatie, honte, fusilier, dictature, trahir, désarroi, perdu, spéculation, enrichissement illicite, détournement, faux types, faux typisme, hiboux au regard gluant, caméléons équilibristes, renards terrorisés, lépreux, incapable de servir, ceux qui se cachent derrière les diplômes, ceux qui sont contre, valets " Par ce discours, Thomas Sankara essaie de créer une représentation et une division des classes sociales. Il crée un système de représentation normative où le prolétariat n’a qu’une place fictive, virtuelle. Le Burkina Faso compte à l’époque qu’une toute petite classe ouvrière. La classe ouvrière n’a qu’une place virtuelle dans l’espace social burkinabè. La paysannerie burkinabè constitue l’essentiel des " masses " ou " peuple ", et subit l’exploitation conjointe de la chefferie et des fractions dominantes de la bourgeoisie.
Il est donc très important pour ce militaire de carrière, de discriminer tout les autres prétendants que se soit la haute bourgeoisie (commerçante et politico- bureaucratique) ou la chefferie. Il y fait référence très clairement dans le texte : " cette fraction de la bourgeoiserie ", " les hommes politiques qui sont convaincus qu’eux seul ", " ces forces de l’obscurité, ces forces, qui sous des couverts spirituels, des couverts coutumiers ".
La plupart des paysans font partis de la bourgeoisie en étant propriétaire de leurs propres parcelles (dissolution des formes communautaires de propriété et d’exploitation du sol). Cette classe est une partie intégrante de la petite-bourgeoisie. D’où l’importance de bien qualifier les " ennemis du peuple " non pas seulement dans une lutte entre bourgeoisie et prolétaire. Le discours marxiste ne peut être réutilisé. La
morale joue un rôle primordial dans l’unification des personnes autours du mot " peuple ". Nous y reviendrons. Mais d’un autre coté, c’est bien par sa rhétorique que Thomas Sankara réussie une unification. Son discours est vivant. Il est vivant dans le sens où il crée un certain dialogue. Le contexte du discours prend toute son importance.
Il aime utiliser les anaphores notamment la question " Qui sont les ennemis du peuple ? ". C’est aussi une question rhétorique puisqu’il répond lui même. Elle n’est là que pour construire son argumentation dans un souci de ré-interpeller son locuteur. C’est une phrase connective. Elle permet la connexion entre lui et son public. Autre anaphore utilisée : " Le combat du peuple burkinabé n’est point un combat chauvin. Notre combat ne sera point un combat nationaliste étriqué et limité. Notre combat est celui des peuples qui nous aspire à la paix et à la liberté ". Outre l’insistance sur un vocabulaire révolutionnaire, le mot combat est fortement atténué par les mots qui lui sont associés.
Le " peuple " est choyé.
" un peuple majeur, lorsque le peuple se met debout " , " l’impérialisme tremble ", " je vous salue ", " vous ête
s présent ", " vous êtes debout ". Il fait parti intégrante du peuple en utilisant le " nous " à la place du " je ". Mais l’essentielle du " chouchoutement " ne passe dans le vocabulaire. C’est par la rhétorique que Thomas Sankara arrive à créer une énergie autours d’un idéal type, qui est le " peuple " qu’il appelle aussi la " masse populaire " ou " la masse voltaïque ". L’utilisation du pronom personnel " nous " est la preuve de l’importance qu’il conçoit à vouloir unifier les personnes autours d’un " élan patriotique ", juste, démocratique et libertaire.
Quand il énonce ses questions rhétoriques le peuple peut facilement répondre et spontanément. Son élocution lente et habille permet une réponse spontanée à ses appel à participer au discours. Il maitrise cet " éprouver " avec les autres par ces stratagèmes.
La rupture nette avec la novlangue africaine se fait dans son vocabulaire et tout simplement le choix des thèmes. Quel chef d’Etat africain aurait osé parler d’impérialisme, du néo colonialisme, de la corruption, de sionisme ? Tout ceux là ont tu ces sujets ou du moins l’ont évoqué en filigrane.
Cette rupture se fait dans l’argumentation. Il n’hésite pas à utiliser des exemples simples pour contrer les éventuelles critiques ou les remarques déjà faites sur sa politique.
Dans le discours " Qui sont les ennemis du peuple ? ", quand il parle d’impérialisme, il utilise, une comparaison simpliste. " Voyez-vous, l’impérialisme à tort. Mais l’impérialisme est un mauvais élève. Quand il est battu, quand il est renvoyé de la classe, il revient encore. C’est un mauvais élève. Il n’a jamais appris la leçon de son échec, il n’a jamais tiré la leçon de son échec. " Il compare l’impérialiste qui est une notion très vague à un mauvais élève. Il énumère par la suite des situations différentes dans d’autres pays qui n’ont pas de réels rapports avec la situation au Burkina Faso. Il ne peut mettre en similitude Israël et le Burkina Faso. Aucune analogie n’est visible entre l’Afrique du Sud et le Burkina Faso. Il n’est pas sujet ici de savoir si ce qu’il dit est juste ou non mais de montrer que par ces exemples, par ces comparaisons, il fait appel à des notions acceptées par tout le monde. Ces comparaisons sont facile à entendre, à comprendre et à l’inverse ne peuvent être rétorquées.
C’est en ce sens qu’il maîtrise l’art de gérer les passions collectives. Le public lors de ses discours peut facilement comprendre ce qu’il dit en utilisant des notions, des valeurs fortes communes à tous. Il est difficile de façon publique de se dire contre la démocratie, pour le raciste, contre le peuple, pour l’impérialisme, pour le fantochisme.
De la même façon même si l’on a été un mauvais élève dans sa jeunesse, la morale l’emporte et aujourd’hui, nous affirmons volontiers que ce n’est pas bien. Les discours de Thomas Sankara sont très moralisé et moraliste.
Il y a une dualité entre le bien et le mal dans tout ses discours. Thomas Sankara tente d’éclairer le peuple, c’est en cela qu’il moralise. Victor Hugo avait dit un proverbe très connu, " Eclairer le peuple, c’est le moraliser " . Par la morale, il universalise son point de vue. Les noms, verbes ou adjectifs allant dans ce sens sont abondamment utilisés.
Le mal : " impérialisme, valet, fomenter, injuste, chauvin, nationalisme étriqué et limité, " Le bien : " peuple, sérénité, calme, tranquillité, amitié, paix, liberté, aspirations légitimes à la paix, une paix juste à la dignité. " Derrière des mots comme " impérialisme ", " liberté ", " démocratie ", " raciste ", " peuple ", " fantochisme ", " honneur ", " dignité ", il est possible de ranger tout et n’importe quoi. Derrière le mot terroriste, rebelle utilisé à tout va de nos jours, il est facile de pouvoir ranger des opposants politiques, des personnes gênantes ......Il y a un abus de langage. Un stéréotype du langage commun à tous. Il utilise l’opinion publique.
L’ironie, la moralisation, la dualité, l’utilisation de termes flous rassembleurs, la prise en compte du public, la participation du public, l’humour, son ethos... sont les clefs du grand orateur qu’est Thomas Sankara. Il manie cet " éprouver avec les autres " avec habilité en cela il réussi à gérer les passions collectives.
Il est à la fois dans la continuité et la rupture. Il est dans la continuité de son ethos préalable dans bien des cas et à la fois dans une rupture du coté rhétorique des discours traditionnelle. Il paiera de sa vie ses prises de position et son discours quelque mois après le texte prononcé à Addis Abéma sur la dette. " Je ne serai pas là à la prochaine conférence " a été plus que " décortiqué " par les " officines " mais appliqué. Il est assassiné par son meilleur ami et compagnons de la Révolution, Blaise Compaoré, actuel président du Burkina Faso (même si aucun procès ne l'a reconnu et que le sujet reste tabou). Les " ennemis du peuple ", les " valets locaux " de l’impérialiste étaient bien plus proche qu’il croyait. Le discours politique à des conséquences, crée une praxéologie s’il est bien maitrisé. Le peuple ont cru en sont discours y ont adhéré à un tel point que vingt ans après il connait un nouvel essor. Le sankarisme nait aujourd’hui de ses discours.
L'article en format pdf ainsi que les discours
lundi 26 novembre 2007
Annapolis village Potemkine de la paix
Le sommet d’Annapolis est surtout l'occasion à ses protagonistes de sauver leurs faces. (Si peuvent-elles être sauvées). C'est le sommet de la dernière chance pour ceux qui y participent.
C'est la dernière chance pour Mahmoud Abbas. S’il ne se présente pas à la conférence, on l'accusera d'avoir raté une occasion de discuter de la paix. C'est une chance pour lui de rentrer dans l'histoire et d'être un héros national en cas d'accord de paix. Il est en quête de légitimité nationale et internationale. (Il faut rappeler le climat peu prospère de Mahmoud Abbas, dépourvu de soutien populaire avec le Hamas en embuscade).
C'est la dernière chance pour Ehoud Olmert. Sa cote de popularité n'est pas au beau fixe et il lui faut un accord international pour essayer d'obtenir un caractère légal sur la question des colonies en Cisjordanie. Leur développement malgré le coté illégales et illégitime en vertu du droit international est un sujet épineux pour les Israéliens. (Même si dans le cadre du sommet hautement israélo-américain, il ne sera inquiété)
MIFTAH qualifie la conférence d'une "simple opération de relations publiques de l'administration Bush". Pour Khaled Hroub dans Al'Hayat: "Pour sortir de ce nihilisme post moderne, il ne faut pas participer à une conférence vide de sens qui ne fait que malmener davantage nos droits".
Si Annapolis joue le rôle du village Potemkine, la Syrie joue-t-elle le rôle des mutins du cuirassé Potemkine ?
Très bon l'article de Alain Gresh http://blog.mondediplo.net/2007-11-2...ine-de-la-paix
vendredi 7 septembre 2007
Après la Françafrique, l'Eurafrique. A Quand la Librafrique
S'il faut résumer le très long discours de Nicolas Sarkozy: "Je vous propose une vraie rupture, ne pensons plus Françafrique, passons à l'échelle supérieure, je vous propose l'Eurafrique."
La presse française est passée à coté du discours du Président de la République ne retenant que les passages sur la colonisation. Il qualifie de "grande faute" cette période de l'histoire assurant qu'elle n'est pas la responsable des maux actuels de l'Afrique. Très émouvant. Très bien.
Mais l'on ressent toujours la "suprématie" de l'Europe dans la bouche de Nicolas Sarkozy. Tout les stéréotypes de l'Afrique sont dans son discours. L'Afrique exclusivement rurale ne vit qu'au"rythme des saisons". L'instinct joue un plus grand rôle que la raison. Les africains sont tournés vers le passé. Ils sont sans histoire, sans "age d'or". "L'aventure humaine n'a pas de place". L'afrique reste immobile alors que l'Europe peut lui apporter une ouverture sur le monde, la "liberté", l'"émancipation", la "justice", la "raison", la "conscience universelle"...
Il ose quand même lire ce discours dans l'université Cheikh Anta Diop, historien sénégalais qui a montré la modernité des sociétés africaines bien avant l'arrivée "des hommes blancs" .
Sarkozy déferle une pluie de conseils (voire de commandements limites bibliques) tous aussi burlesques les uns que les autres avec toute la démagogie qu'on lui connait.
A la suite de phrases émotives," Je sais la tentation de l’exil qui pousse tant de jeunes Africains à aller chercher ailleurs ce qu’ils ne trouvent pas ici pour faire vivre leur famille." il poursuit par "inventer votre avenir", "votre sort est d'abord entre vos mains", personne ne décidera à votre place", l'Afrique a besoin de sa jeunesse", "il faut revenir bâtir l'Afrique"..... Bizarrement il ne parle plus d'immigration choisie.
"Vous souffrez de la famine" alors "Développer l'autosuffisance alimentaire" "Développer les cultures vivrières" ; Ils semble oublier que les institutions financières internationales (dont la France) ne permettent pas leur développement.
"L'africain ne veut plus de corruption", Mais qui protège et entretient les régimes les plus corrompus? Qui adopte des thérapies économiques qui les tuent à petit feu ? Qui dépose les avoirs extérieurs nets en devises (Africains) au Trésor public Français ?
"L'Africain veut découvrir le monde" "Il veut ouvrir les yeux" sur le monde moderne. Nicolas Sarkozy croient que les africains quittent leur pays espérant trouver quelque chose de meilleur, tel un aventurier exploité par des passeurs. Mais non, il sait exactement ce qu'il l'attend et c'est même ce qui le pousse à quitter sa situation actuelle. L'information circule. Le tisserand reculé au fond du Burkina-Faso sais qu'il a des concurrents en Chine. Le problème du développement se pose. Mais comment se lancer dans l'informatique quand la connexion internet coupe tout les deux heures pour causes de coupure électrique. N'est pas le résultat de privatisations accélérées auprès d'entreprises occidentales, entre autre ?
Le long discours n'avait qu'un but présenté son projet d'Eurafrique comme une solution altermondialiste. "Une alliance France Afrique contre la mondialisation libérale". La pilule est grosse.
La mondialisation est en fait peut être le seul salut de l'Afrique . La mondialisation est l'occasion de rompre avec le modèle de coopération que la France propose. Nicolas a peut être ouvert les yeux aux africain qu'il pouvait avoir la Librafrique. Aussi utopiste a ce jour qu'elle soit, il vaut mieux travailler dans ce sens que (re)signer un pacte avec le diable.
La coopération Eurafrique reste une coopération étatiste, collectiviste, monopolistique, jacobine et rétrograde. A quand une rupture ?
Lire
L'article, "L'Afrique au karscher" de Anne Cecile Robert, publié dans "Le Monde Diplomatique"
L'article de Pr Mamadou Koulibaly http://fr.allafrica.com/stories/200708090499.html
Le discours de Nicolas Sarkozy http://www.afrik.com/article12199.html .
L'article de Babacar Diop Buuba http://www.sudonline.sn/spip.php?article4927 .
L'article de Phillipe Bernard
http://www.lemonde.fr/web/article/0,1-0@2-3232,36-946870,0.html
La lettre ouverte http://www.liberation.fr/rebonds/271587.FR.php
dimanche 29 avril 2007
Ciudad Juarez, la cité des mortes
Les films engagés font recette et c'est l'une des raisons pour laquelle Hollywood et toute l'industrie cinématographique soutiennent ces réalisateurs qui ne trouvaient il y a peu que leur propre écho.
L'un des derniers en date actuellement à l'affiche est « Les Oubliées de Juarez », réalisé par Gregory Nava avec Jennifer Lopez et Antonio Banderas. Voici le synopsis : « Une journaliste enquête sur une série de meurtres commis aux abords d'usines américaines situées à la frontière de Juarez et d'El Paso. Entre les intérêts américains, les pot de vins et la collusion des notables mexicains locaux, les pistes vont s'avérer dangereuses pour la journaliste téméraire... » Le scénario n'est pas très recherché rappelant Erin Brockovich mais l'histoire est bien réelle. Les critiques ne sont pas tendres avec le film. Malgré un ours d'or au festival de Berlin, le film c'est fait hué. Le public d'un festival est-il légitime? Bref il en ressort générallement que les films engagés n'ont plus comme but ultime de dénoncer, de faire connaître, de rendre compte, de protester... mais de faire de l'argent. Je ne pense pas qu'il faut remettre en cause la volonté du réalisateur mais des partenaires financiers qui rôdent autours et qui dans un soucis de rentabilité dénaturent le film.
L'affaire Ciudad Juarez nécessite plus qu'un film. Elle n'est pas nouvelle. Depuis 1993 plus de 700 femmes ont trouvée la mort selon un rituel immuable: enlèvement, torture, sévices sexuels, mutilations, strangulations. Dans cette ville du nord du Mexique, il est question de féminicide.
Pourquoi cette ville connait elle une telle affaire criminelle ? Que font les autorités mexicaines et internationnales ? Qui sont les coupables et pourquoi ne sont ils pas arretés depuis ? Combien de femmes sont réellement mortes à Ciudad Juarez ?
Description de la maison du diable
Longtemps, Ciudad Juárez est restée une petite ville. Les gens y vivaient du commerce et de la culture du coton. Tout a commencé à changer il y a une trentaine d'années. Personne ne connaît plus aujourd'hui le nombre exact d'habitants de la ville : un million et demi ? deux millions ? deux millions et demi ? D'ailleurs, qui pourraient les compter ? La ville grandit de plus en plus mordant chaque jour un peu plus sur le désert alentour. Les paysans mexicains du sud du pays abandonnent leur travail dans des plantations qui ne leur appartiennent pas (vingt heures de labeur en plein soleil pour 1 dollar par jour) et montent vers le nord, dans l'espoir de pouvoir traverser la frontière avec le Texas. Ce n'est pas si facile. Les Américains ont édifié un mur métallique qu'ils gardent extrêmement bien. La plupart s'entasse à Ciudad Juarez, dans le quartier de Anapra sur les hauteurs de la ville. Les gratte-ciel d'El Paso, la ville jumelle du coté des Etats-Unis, les narguent inlassablement. Ciudad Juarez est une ville close où se cotoient les candidats à l'émigrations, les chercheurs du rêve américain, les barons de la drogue et les ouvriers des « maquiladoras ». A l'est de la ville se trouvent les maquiladoras, des usines d'assemblage de sous-traitance des multinationales où la mains d'oeuvre coûte dix fois moins de ce coté de la frontière.Ce sont surtout des jeunes femmes qui travaillent dans les maquiladoras. Les ouvrières se lèvent au milieu de la nuit pour traverser le désert noir et froid. Ce sont celles qui forment la première équipe. Elles arrêtent l'autobus et vont à l'autre bout de la ville.
C'est une ville frontière, une "border town", victime de la mondialisation où se déroule la plus grande affaire criminelle de tout les temps. Cette affaire lui donne le statut de la ville la plus dangereuse au monde pour les femmes. Nous pouvons même créer un néologisme et parler de féminicide.
« Vendredi. Les ouvrières arrêtent leur travail, se dépêchent de se changer, se maquillent, enfilent leur plus belle robe. Ce soir, elles vont danser dans le centre-ville. Elles n'ont pas 100 pesos, mais elles entrent gratuitement dans les discothèques, contrairement aux hommes, qui doivent payer. Elles n'ont pas de quoi s'offrir une boisson, elles cherchent du regard ces hommes qui paient volontiers. La musique est forte, les gens dansent, on est à l'étroit, l'atmosphère est chaude et étouffante, il y a de plus en plus d'alcool, de drogues. Il y a aussi un hôtel bon marché au coin de la rue. Les gens d'ici disent que tout ce qui est illégal dans le monde se trouve le soir dans le centre de Ciudad Juárez. C'est peut-être pour cette raison que le diable aime venir ici : il kidnappe les filles (ou il envoie ses émissaires), il les séquestre, il torture, il viole et il étrangle.
Le diable ou l'impunité ?
Certains disent que le diable s'est installé dans la ville. Depuis 1993, 380 femmes ont été enlevées, violées et assassinées et 800 femmes ont disparues sans que la police trouve (ou cherche à trouver) les différends tueurs. Des agents du FBI expert en crime en série, des envoyés de l'ONU ont bien enquêté sur le terrains mais sans aucun résultat. La police investie sur la tragédie depuis plus de douze ans avoir arrêté les coupables des meurtres ou trouvé des explications convaincantes. La police manifeste d'une incompétence totale avec un double discours. Les autorités fabriquent des faux coupables, comme Latif Sharif, cet égyptien accusé d'être un sérial killer, pour calmer la population. Il y a une refus des autorités de voir qu'un problème existe. Il n'y a pas de volonté politique. Il a fallu 10 ans pour reconnaître la tragédie. La police est médiéval avec une culture patriarcale et très machiste. Lorsque des mères de différents quartiers ont signalé la disparition de leurs filles, la police leur a répondu de manière rassurante : les filles aiment s'amuser, elles vont revenir, elles ont certainement trouvé un fiancé. Les mères ont expliqué que c'était impossible, qu'elles connaissaient leurs filles. "Alors cherchez-les".
Certains disent que les policiers participent aux assassinats que le diable se balade en uniforme.
Malgré les fausses accusations et arrestations, les disparitions continuent au rytme de une à deux par semaine. Frappant toujours des familles pauvres. Le diable sait qu'il ne faut pas toucher aux filles des familles riches. Le diable sait qu'on ne punit pas l'assassin des pauvres. Les gens l'ont vite compris : les autorités ne veulent pas mettre la main sur l'assassin. Tout le monde sait ici - et c'est également évoqué dans de nombreux rapports internationaux - que la corruption de la justice mexicaine a atteint un niveau difficile à imaginer. La police, les procureurs, les juges sont achetés par la mafia et mieux vaut se taire. On menace les femmes de ceux qui ont été emprisonnés à tort, on menace les journalistes trop curieux (quelques-uns ont disparu sans laisser de traces), on menace d'anciens directeurs de prison qui parlent ouvertement des tortures, on menace les avocats qui répètent que le système est corrompu et favorise les agissements des tueurs en série. On leur coupe la route, on sabote les freins de leurs voitures, on leur envoie des oiseaux morts, on braque des phares allumés sur leurs fenêtres au beau milieu de la nuit. L'avocat de Bianca a été descendu par la police quand il roulait en voiture, un jour très ensoleillé. Selon la version officielle, les policiers se sont trompés, ils l'ont pris pour un trafiquant de drogue. De telles méprises arrivent au Mexique, cela n'a rien d'extraordinaire.
Le journaliste Wojciech Tochman raconte dans un article de la Gazeta Wyborcza, comment l'on fabrique les coupables.
« Miriam Evelyn, 29 ans, deux enfants en bas âge. L'eau courante a été coupée. Elle n'a pas pu payer la facture. Sa vie a basculé en quelques minutes, un soir d'automne 2001, juste après qu'on eut découvert les huit corps de femmes à Paso de la Victoria. Son mari était chauffeur de la ligne A1. "Ce soir-là, raconte Miriam Evelyn, il est rentré tôt." Il s'apprêtait à dîner avec les enfants quand on a frappé à la porte. "Victor Javier Garcia ?" demanda une voix inconnue. "Lui-même", a répondu le mari, recevant immédiatement un coup sur la figure. Il a été attrapé par la chemise, traîné devant la maison, projeté contre une voiture. Il y avait une trentaine de voitures particulières, et beaucoup de monde. Personne ne s'est présenté, ni n'a dit de quoi il s'agissait. Ils ont battu Victor, ils lui ont mis un revolver sur la tempe. Miriam, un enfant sous le bras, n'a pas compris ce qui se passait, elle criait. Eux aussi ont crié. Ils l'ont insultée. Ils ont embarqué Victor de force dans la voiture et sont partis. Miriam Evelyn a d'abord pensé qu'ils voulaient une rançon, cela arrive au Mexique. Elle s'est dit qu'elle ne reverrait jamais son mari, qu'elle n'aurait pas assez d'argent pour le racheter. Elle a couru à la police, puis chez le procureur. Personne n'a voulu l'aider. Elle est rentrée chez elle et, ne tenant pas en place, elle est retournée voir le procureur. Les policiers ont finalement accepté sa déposition. Ils ont demandé des détails sur le signalement des ravisseurs et des voitures, ils lui ont promis de chercher Victor et lui ont proposé de les accompagner. Ils ont fait un long tour de la ville, ils l'ont menacée avec une arme et lui ont ordonné de se taire et d'attendre, avant de l'abandonner au milieu d'une rue obscure. Le lendemain, elle a été convoquée pour identifier des restes calcinés. "Ce n'est pas mon mari", a-t-elle dit sans être vraiment convaincue. Elle a encore fait le tour des commissariats et des institutions, appelant à l'aide. Finalement, elle s'est rendue à l'Académie de police, au sud de la ville. Elle ne le savait pas encore, mais c'est ici qu'opère une section spéciale chargée d'élucider les assassinats de femmes. Le policier avec qui elle a parlé avait une matraque dans la main (électrique, mais à l'époque elle l'ignorait). Du couloir, elle a aperçu un autre homme assis sur un tabouret qui lui faisait des signes de la main. Il avait la tête ceinte d'un bandage, il ne portait pas les vêtements de son mari, elle n'a pas imaginé que cela pouvait être lui. (Les victimes de tortures ont les vêtements tellement couverts de sang qu'on leur en donne des neufs pour se changer.) Revenue à la maison, elle a vu son mari à la télé. Le visage enflé et couvert d'ecchymoses, il était accusé du viol et du meurtre des huit femmes retrouvées quelques jours avant dans le champ de coton. Face aux caméras, les procureurs ont dit : les meurtriers en série ont été arrêtés, le drame est terminé. Femmes de Ciudad Juárez, soyez en sécurité. Miriam a compris qu'il n'y avait plus personne à qui demander de l'aide. Elle a eu peur. Combien de temps Victor allait-il tenir sous la torture ? Comment payer les factures et la nourriture pour les enfants ?
Les policiers ont torturé Victor car ils voulaient qu'il donne les noms de ses complices (a priori, ils ont pensé qu'il devait en avoir). Ils l'ont battu et lui ont brûlé les parties génitales avec des matraques électriques. Il a dit le premier nom qui lui est venu à l'esprit, celui d'un collègue de travail qu'il avait salué quand leurs bus se sont croisés. C'était Gustavo González Lopez, mari de Bianca Guadalupe Lopez. Depuis peu, Bianca porte le deuil de son mari. Elle dit que Dieu doit lui donner des forces pour continuer, qu'elle doit vivre pour ses enfants. Elle a 23 ans. Elle en avait 16 quand elle est allée travailler à l'usine. Tous les jours, elle prenait le même bus, et c'est là qu'elle a rencontré cet homme un peu plus âgé et un peu rond. Il l'a draguée avec respect (ce qui est rare par ici). Ils se sont mariés. Quinze jours plus tard, elle a pu voir son mari (Miriam Evelyn aussi), qui lui a raconté les tortures, les matraques électriques et tout le reste. On les a obligés à avouer les huit meurtres, mais leurs épouses savent qu'ils sont innocents. Ils ont tout reconnu. Ils n'ont jamais été entendus ensemble, mais leurs dépositions sont précises et identiques : noms des victimes et leurs adresses, détails de leur habillement, descriptions des enlèvements, des tortures, des assassinats.»
De nombreuses hypothèses circulent à Ciudad Juárez : les serial killer, des trafiquants d'organne, des barons de la drogue, des maris violents, des voleurs, des producteurs de snuff movies (La mort en direct revendue en vidéo).
Sergio Gonzales Rodriguez conclue dans son article que : « Les meurtres en série de Ciudad Juárez mêlent l’atmosphère trouble de la frontière et ses milliers de migrants, ses industries de sous-traitance, la faillite des institutions et aussi la violence patriarcale, l’inégalité, les négligences du gouvernement fédéral, etc. Mais, par-dessus tout, cette ténébreuse affaire révèle la toute-puissance des narcotrafiquants et la solidité de leurs réseaux d’influence. Les liens entre le milieu criminel et les pouvoirs économique et politique constituent une menace pour l’ensemble du Mexique. ».
Le principal suspect reste peut être la ville elle-même.
Les visages de filles disparues apposés sur les murs et les vitrines font partie du décor, comme les croix roses des collines de Cristo Negro.
Si le président Vicente Fox n'a rien fait, le nouveau président Felipe Calderón s'attaquera peut être au problème sous la pression de l'opinion publique internationnale. C'est certainement le but premier du réalisateur du film Les Oubliées de Juarez. Donc maintenant en spectateur averti allez voir le film. Toujours selon les critiques, je n'ai pas vu le film, je vous promet rien.
http://www.monde-diplomatique.fr/2003/08/GONZALEZ_RODRIGUEZ/10315#nb6
http://www.lacitedesmortes.net/
jeudi 19 avril 2007
La défiance
Petits rappels, en 1988 nous avions droit à la « France unie », en 1995 la « fracture sociale », en 2002 l’ « insécurité ». Selon Jérôme Jaffré, cette année ce serait la « défiance » envers la gauche et la droite.
Les français déclarent de plus en plus ne faire confiance ni à la gauche ni à la droite pour gouverner le pays. Le mécanisme de la confiance est au cœur des institutions de la Ve République surtout depuis l’instauration du suffrage universel en 1962 et du suffrage majoritaire en 1988, censées favoriser la bipolarisation.
Faut il donc parler d’ « intégrés » au systèmes politique qui votent à gauche et à droite, d’ « hors système » qui refusent le clivage gauche droite et de « défiants » qui l’acceptent mais ne font confiance ni à la gauche ni à la droite ?
Les « indécis »se trouveraient-il donc dans ces défiants ? Ces fameux indécis voire que l’on appellent aussi flottants apparaissent au dernier moment comme déterminants. Les présidents d’instituts de sondage répètent en vain dans les médias que finalement, il peut y avoir des surprises à cause des défiants. [Ils ont tellement peur qu’on se rendent compte que les sondage d’opinion s’apparentent plus à de la magie qu’à de la science. Il faut savoir que nous sommes le dernier pays avec les pays sous développés à utiliser la méthode des quotas ... (Voir http//:polytricksss.blogspot.com, Quand les instituts de sondage gouvernent)].
Le clivage gauche droite ne semble plus être imposé par une constitution faite sur mesure pour un homme en 1958. Même si je suis favorable à une VIe constitution la faute ne lui revient pas entièrement.
Les partis politiques ne sont-il pas aussi fautifs ?
La définition d’un parti politique est celle-ci : groupe social, organisation qui sollicite le soutient de la population en vue de l’exercice direct du pouvoir. Il doit dépasser l’influence personnelle de ses dirigeants. Le fondement des partis est avant tout leur idéologie et leur idée politique.
Si l’on considère que l’opposition entre la gauche et la droite est une relation de concurrence, mais d’une symbolique homologue, représentative de la lutte sociale dans la société. Les partis politiques sont-ils encore représentatifs des classes sociales ?
Surtout quand d’un coté la lutte des classes se transforme en lutte des « races » et d’un autre coté les classe sont des lobbies ou des syndicats, ne faut-il pas dire : Mr Le Pen, Mr De Villiers, Mr Nihous, Mr Schivardi, Mr Bové, Mme Voynet vous êtes priés de libérer l’échiquier politique ?
Le champ politique fonctionne comme un marché de la compétence de diriger, avec une offre et une demande. Les partis politiques représentent l’offre. Dans cette philosophie économiste, les partis politiques appliquent des pratiques propres à l’univers marchand. Il existe un marketing politique. Les partis politiques ne fonctionnent plus avec des convictions, des valeurs. Ils résonnent en forme de créneau, de clientèle électorale et d’opinion publique.
Les frontières entre eux ne se différencient pas nettement. Les idées demeurent moins stables voire contradictoires.
Nicolas Sarkozy, l’homme de droite ratisse très large et évoque une politique économique libérale tout en prônant les acquits sociaux et en chassant sur les terres du Front Nationale. Ségolène Royale affirme qu’elle n’a pas « besoin d’étiquette quelle est dans le socialisme du XXIe siècle », elle ne veut pas d’un gouvernement 100% Parti Socialiste mais composé de tout ceux qui se reconnaîtront dans son pacte présidentielle calqué Tony Blair et l’UMP. François Bayrou lui pioche à gauche à droite suivant la tendance, son public, son humeur … Mais il envisage la création d’un nouveau parti après son élection « pour porter ce nouvel espoir et cette grande responsabilité… Il faudra un grand parti démocrate pour la France » (voilà un début de réponse, reste à trouver les partisans). Jean-Marie Le Pen se bat en retour avec Nicolas Sarkozy. (Je le replace sur l’échiquier. Je l’avais subjectivement vite supprimé. Même si il cultive un culte de la personnalité dont personne à idée, une idéologie existe. Ses 17% aux dernières élections démontrent qu’il a sa place.)
Seul trois candidats restent fidèles à leurs idées mais ils chassent sur le même terrain. Olivier Besancenot, Marie Georges Buffet et Arlette Laguiller restent bien souvent utopiques mais ont le mérite d’avoir une idéologie stable et se positionnent en marge du système politique devenu économiste.
Pour en revenir aux défiants, la crise politique est devenue générale associant les classes moyennes aux catégories populaires et s’étendant désormais aux couches intellectuelles (Où sont passés les leader d’opinion ? Ce sont-ils tous transformés en suiveur ?).
Cette montée de la défiance risque bien de favoriser le candidat de L’UDF, « mais il ne pourra diriger le pays pendant cinq ans à partir d’une telle motivation. Il y a pour les trois grands postulants à la victoire, matière à réflexion sur les profondes réformes politiques nécessaires à la bonne gouvernance du pays.
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